La tourmente financière, qui vient démentir toutes les promesses de la mondialisation, a éclipsé les signes avant-coureurs d’une autre crise, infiniment plus grave : une pénurie alimentaire générale. Blé, colza, lait, maïs, riz, soja. Les cours des matières premières agricoles flambent et font grimper les prix des denrées alimentaires de base, plongeant des millions de personnes à travers le monde dans l’insécurité alimentaire.
D’après l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), entre le premier trimestre 2007 et le premier trimestre 2008, les huiles végétales ont augmenté de 97 %, les céréales de 87 %, les produits laitiers de 58 % et le riz de 46 %.
Avec We Feed the World, le documentariste Erwin Wagenhofer propose aux spectateurs un regard sur l’agriculture mondiale moderne. En passant par la Roumanie, l’Autriche, le Brésil, la France et l’Espagne, son enquête se focalise sur la manière dont est fabriqué ce qui arrive dans notre assiette. Il montre que la domination du Nord sur le Sud est prégnante.
Notre façon de manger a changé davantage depuis 50 ans qu’au cours des 1000 dernières années mais l’image utilisée pour vendre la nourriture est restée celle d’un monde bucolique et agraire.
Au supermarché, nous sommes bombardés d’images de fermiers : la clôture de bois, le silo, la petite maison de campagne et les étendues vertes… On nous présente un fantasme pastoral!
Un supermarché propose 47000 produits en moyenne. Dans les supermarchés, les saisons n’existent pas, on y retrouve, par exemple, des tomates à l’année cultivées à l’autre bout du monde, on les cueille vertes avant de les faire murir à l’éthylène… Elles ont l’apparence de tomates mais ce que ce ne sont plus que des tomates “conceptuelles”, une idée de tomate!
Croûtes fleuries ou lavées, pâtes molles, pressées ou cuites, chaque fromage est rattaché à une région, un terroir, à des mentalités tranchées et parfois opposées. Mais il y a fromages et fromage. Dans les linéaires des grandes surfaces sont apparus des aliments standardisés, aseptisés, fabriqués à la chaîne dans les usines des groupes alimentaires.
À la manière d’un road-movie, Périco Legasse, journaliste gastronomique et Erik Svensson, jeune suédois d’origine française, nous entraînent dans les coulisses de cette « guerre du goût et des saveurs », au cœur d’un conflit gastronomique entre producteurs traditionnels et firmes industrielles.